Les patients en phase palliative nous montrent que la fin de vie est une véritable étape, on ne peut plus vivante. Elle est celle de l’intime pendant laquelle tout est à l’extrême.
Qu’apporte l’hypnose lorsque ce détachement ultime est à venir, lorsque le patient s’accroche aux restes de sa vie ? Que lui reste-t-il d’essentiel à vivre ?
En phase palliative, la souffrance est globale. Quand bien même les drogues sont la plupart du temps efficaces, la souffrance du départ, de ne pas avoir dit, de ne pas avoir fait, de ne pas avoir osé être la personne que l’on souhaitait être… les fausses croyances, les conditionnements sociaux, les obstacles, et traumatismes d’une vie remontent à la surface. Les observations corporelles parlent du ressenti émotionnel du patient, ressenti difficile à exprimer par la parole. Les regrets prennent beaucoup de place. Ils ajoutent aux questionnements de fin de vie et douleurs déjà présentes, des tensions supplémentaires. Le patient se sent totalement impuissant, tout lui échappe, même sa vie.
Indications…
L’hypnose revêt un objectif différent en fonction de la phase palliative dans laquelle se trouve le patient, notamment au niveau émotionnel mais aussi en fonction des symptômes associés. Le patient en fin de vie peut diminuer, modifier, la perception de la douleur. Il peut modifier une sensation corporelle inconfortable, gérer une angoisse de fin de vie. L’hypnose accompagne le besoin spirituel d’une présence à soi. L’amélioration des symptômes de fin de vie est également un axe de prise en charge possible avec l’hypnose notamment sur la douleur, la dyspnée, les nausées, l’insomnie…
L’écoute du praticien soignant en hypnose s’enrichie ici de toute sa valeur symbolique car « l’ajustement » se doit d’être encore plus subtil. « Utiliser, s’adapter, créer un changement, mettre du sens, respecter » Dr J. Becchio
L’essentiel est ce que le patient va pouvoir percevoir en mieux dans son intime. La pratique de l’autohypnose en phase palliative est une réelle possibilité de reprendre une forme de contrôle alors que sa vie lui échappe. Il peut accéder à une sorte de liberté d’action par l’autohypnose.
Le soignant, praticien en hypnose guide le patient à créer avec le reste de sa vie un élan de paix pour lui-même.
L’hypnopraticien doit composer avec ce délicat contexte pour tenter d’apporter un soulagement à cette personne en devenir d’un mourir que l’on souhaite le plus paisible qui soit.
Et c’est ainsi que la patiente que je nommerai Caroline, me demande totalement épuisée de « tout » régler en une séance d’hypnose.
« Ni avant ni après, mais juste à temps…. » … « Ne plus ruminer bien sûr les griefs, les blessures, les peines immenses, même ne plus penser. Etre tout à nos sens, à ce qui est à faire, à l’acte, au geste et plus rien qui dépasse. Seulement la courbe nécessaire, ne pas se montrer distinct, mais se fondre sans le savoir, sans avoir encore besoin de le savoir, et pourtant sans cesse rectifier le mouvement pour y connaître un oubli plus sombre qu’hier, perdu, mais sans angoisse, avec joie. »[1]
Caroline, âgée de 76 ans, atteinte d’un cancer du sein poly métastasé, présente des douleurs rebelles. Elle est extrêmement anxieuse. « Je prends tout ce qui peut me faire du bien » me répond-elle suite à ma présentation. Elle me dit sa souffrance « je suis comme dans un corset dont les lacets seraient serrés au maximum. Ce corset me coupe le corps avec des fils de fer, des fils de fer qui entrent dans ma poitrine parfois. Puis il y a les coups de poignards dans les vertèbres surtout au niveau de L5. »
La séance s’est poursuivie là où l’essentiel a besoin de se dire, de se sentir au plus profond de l’intime, comme un sentiment de quiétude qui, enfin, prend sa place.
L’hypnose a permis à Caroline d’entrer en contact avec son environnement, son corps autrement que par ses symptômes. « Ce corps a pu se taire enfin » exprimera-t-elle. L’hypnose a permis à son âme de s’apaiser, selon ses mots. Elle recevra sa famille, se sentant prête et sereine et parviendra à pratiquer l’autohypnose entre mes consultations.
A son écoute corporelle et émotionnelle, cette dame guide la séance dans ce qu’elle est, ce qu’elle vibre à l’instant. Installer Caroline dans son corps en entier, apaiser les « coupures des fils de fer », « libérer le corset » permet l’installation dans la douceur pour ensuite se projeter vers ce fameux dimanche avec sa famille et peut être alors pouvoir partir sereinement. L’hypnose est un soutien supplémentaire à une prise en charge pluridisciplinaire et considère la mort comme un processus naturel.
L’hypnose permet un contact avec l’intime de soi, de son univers propre qui dans un aspect presque sacré, (sans aucun sens dogmatique de notre part) permet au patient de découvrir encore la vie en lui et autour de lui, présente. Ce même patient qui reprend alors contact avec son corps, qui souffrant, et morcelé comme des pièces de puzzle éparpillées, passe à un corps unifié, parfois en une séance. Cet aspect physique amorce un retour à la conscience de soi qui du « mal à l’âme » nommé par les patients, livre alors encore des ressources d’apaisement dans un mouvement intérieur essentiel avant l’ultime départ.
Monique Alligné
[1] « Il suffit d’un geste » F. Roustang, Odile Jacob 2003